Il n’y a pas de cuisine africaine
Il y a quelques années, j’ai été amenée à réfléchir à la question « pourquoi la cuisine africaine peine à s’exporter ? ». Je suis récemment tombée sur ce que j’avais dit sur le sujet à l’époque et je me rends compte que comme beaucoup, je suis tombée dans un cliché courant à savoir qu’il y a une cuisine africaine.
À partir de ce moment, tout ce que j’ai pu penser est tout simplement faux. Dire qu’il y a une cuisine africaine s’apparente quelque peu à dire qu’il y a une langue africaine. Comme quoi les clichés sur l’Afrique, c’est plus souvent une question d’ignorance que de racisme. Maintenant que je m’intéresse davantage au sujet, je me rends compte qu’il n’y a tout simplement pas de cuisine africaine.
Le terme « cuisine africaine » est correct, mais…
On parle bien de cuisine asiatique ou de cuisine européenne me diriez-vous. Alors, pourquoi ne pas parler de cuisine africaine ? Le terme en lui même n’est pas incorrect, mais attention à l’amalgame. Autant on parle de cuisine asiatique, autant on fait le distinguo entre la cuisine japonaise et la cuisine chinoise par exemple. On emploie peut-être le terme cuisine européenne, mais on fait une différence nette entre la cuisine italienne et la cuisine française. En revanche, la cuisine africaine est souvent considérée comme un tout. Dans ce sens, c’est facile de préjuger en pensant : « la cuisine africaine est trop grasse, peu variée… »
Demandez à un Béninois de manger du riz avec du gombo, une spécialité sénégalaise, ou à un malgache de manger des chenilles, une spécialité sahélienne, et vous comprendrez très vite que « la cuisine africaine » n’existe pas. Il y a une diversité de produits et surtout une multitude de méthodes de transformation qui font qu’à mon avis, on ne peut pas faire de la cuisine africaine une généralité. Et cela, il faut que les Africains eux-mêmes le comprennent avant de pouvoir être ambassadeurs de leur patrimoine culinaire.
Remplacer des framboises par du tamarin ne suffira pas
La cuisine africaine est un sujet relativement tendance comme on peut le constater avec de plus en plus de blogueurs et de chefs qui s’emploient à lui donner de la visibilité. Beaucoup font le pari de revisiter les plats africains. Les résultats sont pour la plupart très intéressants.
L’idée est de faire découvrir et apprécier nos produits et nos mets au reste du monde. Je me suis moi-même prêtée à l’exercice, mais après réflexion, je me pose la question. Est-ce la bonne manière de procéder ? Plutôt que d’installer nos produits dans le confort des techniques culinaires d’ailleurs, ne devrait-on pas trouver un moyen de faire sortir les autres de leur zone de confort ? Les Français sont connus pour prendre un seul repas avec cuillères et fourchettes de différentes tailles (oui je sais, c’est cliché), mais ils se sont quand même habitués à manger un hamburger. Alors pourquoi faire un sorbet bissap pour faire découvrir le bissap à un italien ? Revisiter les cuisines africaines est sans doute une très bonne idée. C’est la preuve que ce n’est pas figé et que la nouvelle génération de cuisiniers africains ne manque pas de créativité. Mais pour se défaire des préjugés et exporter la chose, à mon avis, il faut aller plus loin. Remplacer un coulis de framboises par un coulis de tamarin pour accompagner nos desserts ne suffira pas.
Pour que la cuisine africaine s’exporte, il faut d’abord qu’elle s’exporte… en Afrique
Je n’ai définitivement pas une réponse claire et nette à la question « pourquoi la cuisine africaine peine à s’exporter ? ». Mais partant du principe qu’il y a des cuisines africaines, mon avis est qu’on a tout intérêt à les explorer. Il serait utile de mener le combat à échelle continentale. Avant même de donner de la visibilité aux spécialités africaines dans les autres régions du monde, il faudrait que les Africains les découvrent eux-mêmes. Pensez-vous qu’un restaurant éthiopien aurait du succès au Bénin ? Qu’un marocain pourrait délaisser son tajine pour apprécier un bon ndolé camerounais ? À mon avis, le vrai chantier se situe à ce niveau. Susciter l’intérêt et l’envie des Africains pour des plats africains autres que ceux qu’ils ont l’habitude de manger. Et il semble bien que ce ne soit pas demain la veille.
Si après ce monologue, vous n’êtes toujours pas convaincu qu’il n’y a pas de cuisine africaine, voici quelques images qui devraient vous faire changer d’avis.
La liste est loin d’être représentative…
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