Facebook serait-il la « nation » la plus puissante au monde ?
Depuis les troublantes révélations du Guardian et du New York Times, il y a quelques jours, le réseau social Facebook fait face à l’une des plus grandes crises de son histoire. Entre la tempête médiatique, les chutes de l’action en bourse, la fuite des annonceurs et les nombreux appels à #deletefacebook, les dirigeants du réseau aux milliards d’utilisateurs doivent bien se demander par où commencer pour regagner la confiance des internautes.
Mais le plus surprenant dans toute cette affaire, ce ne sont finalement pas les faits qui sont reprochés à Facebook. C’est plutôt l’incrédulité et la naïveté de ses utilisateurs. Comment et pourquoi n’avons-nous pas mesuré la puissance que nous octroyons chaque jour à Facebook et aux réseaux sociaux de façon générale ?
The problem is much bigger than Facebook. It’s the internet’s economic model. It’s the internet’s surveillance model.
Communicating, sharing, and accessing information shouldn’t have to make you a commodity or target.
You shouldn’t be exploited for using the internet.
— The Tor Project (@torproject) March 21, 2018
Facebook est devenu quasiment incontournable
En termes de démographie, Facebook dépasse largement tous les réseaux sociaux avec ses deux milliards d’utilisateurs. D’un point de vue économique, cette nation virtuelle peut se permettre de perdre des sommes astronomiques sans être en situation de crise. Dans un contexte où les données sont l’or noir de notre siècle, Facebook est presque aussi puissant qu’un pays qui possède l’arme nucléaire. Et avec l’affaire Cambridge analytica, on comprend maintenant qu’il a également le pouvoir d’ébranler les plus vieilles démocraties. Mais ce qui fait vraiment la force du réseau social c’est sa capacité à nous faire croire que tout est fait dans l’intérêt de l’utilisateur. Il n’y aurait en effet jamais de révolution si les peuples étaient convaincus du bien-fondé des actions des dictateurs. C’est le cas de le dire, Facebook est bel et bien une dictature. Car soumis à aucune règle, le géant du net crée sa propre législation et dispose d’un nombre d’utilisateurs suffisamment élevé pour l’imposer. Et le comble, c’est qu’en plus de cela, il a l’intelligence de le faire passer comme quelque chose qu’on a toujours voulu et attendu ! « Mieux vous connaitre pour mieux vous satisfaire. » De nombreuses personnes physiques et morales dépendent aujourd’hui de Facebook et il serait utopique de croire qu’un simple hashtag suffira pour assister au déclin de réseau social.
It is time. #deletefacebook
— Brian Acton (@brianacton) 20 mars 2018
#Deletefacebook, la solution ?
Brian Acton, le cofondateur de Whatsapp peut se permettre de #deletefacebook. Il n’aura plus jamais besoin de rien vendre après avoir vendu Whatsapp. Elon Musk peut se permettre de supprimer les pages Facebook de ses entreprises. Sur certains de ses projets, il est un concurrent direct de Facebook. Je peux me permettre de #deletefacebook. Professionnellement, je n’en dépends pas. Mais comment expliquer à la commerçante qui n’a pas les ressources pour mettre en place un site e-commerce et qui vend facilement ses produits sur Facebook que supprimer son compte est la meilleure chose à faire ? Comment convaincre l’organisateur d’événements qui arrive à mieux gérer son activité grâce à Facebook de quitter le réseau social ? Comment expliquer au blogueur-activiste-influenceur qu’il est temps de quitter Facebook? Des exemples de ce genre, il y en a des milliers. La triste réalité, c’est qu’il y a désormais une relation de co-dépendance qui empêche un grand nombre d’utilisateurs de simplement quitter le réseau social. Supprimer son compte Facebook est un luxe que beaucoup ne peuvent pas s’offrir.
Cela semble en effet être la solution après le scandale Cambridge analytica…Mais avant de suivre l’effet de mode, intéressons-nous à ses répercussions. On recommence à échanger des lettres et des cartes postales ou supprime-t-on Facebook pour se rabattre sur Instagram ? On fait une croix sur Messenger pour préférer Whatsapp ? Le « facebookgate » va-t-il permettre la résurrection de MySpace ou enfin l’essor de Google plus ? La vérité c’est qu’en quittant un réseau social pour un autre, le problème reste entier. De toute façon, on le sait, « si c’est gratuit, vous êtes le produit ».
Cambridge analytica, un scandale de plus
L’affaire Cambridge analytica n’est malheureusement pas la première du genre même si elle fait le plus de vagues. Facebook, Twitter, Google et de nombreux autres sont fréquemment sujets à des critiques et controverses sur des sujets allant du respect de la vie privée à la manipulation des sujets d’actualité en passant par la surveillance de masse, les failles techniques pour ne citer que cela.
Et pourtant, nous continuons à partager un peu plus nos vies, nos émotions et tout ce qu’il est possible de partager sur ces plateformes. Nous avons fait de Facebook la super puissance qu’elle est aujourd’hui. Et si l’heure de la révolution a sonné, il nous faut agir intelligemment pour anéantir le monstre que nous avons créé.
Les excuses et les justifications après chaque scandale, il y en aura toujours et il y en aura toujours de très bonnes. Assez bonnes pour nous convaincre de continuer à utiliser ces compagnies et donc à les enrichir. Le pouvoir et la portée de Facebook dépassent Zuckerberg et ses collaborateurs. Avec le champ de possibilités qu’offre l’outil, quand bien même ils auraient les meilleures intentions du monde, il subsistera des moyens de le détourner à des fins crapuleuses. Quelle option nous reste-t-il alors ?
Abordons le monde virtuel avec moins de naïveté
Plutôt que de quitter Facebook, de ressusciter MySpace ou de se rabattre sur les autres existants, il serait plus pertinent de repenser notre rapport aux outils numériques qui, de gré ou de force, font désormais partie de nos habitudes. C’est facile de fustiger Zuck et ses acolytes, mais n’oubliez pas que c’est vous-même qui exposez vos données et parfois ceux de vos contacts en voulant savoir par exemple « Quels amis trouvera-t-on dans votre panier de Pâques ». Tant qu’on continuera à utiliser aussi naïvement internet et ses accessoires, aucune loi sur la protection des données personnelles ne pourra nous protéger de nous-mêmes. Quel est l’intérêt pour vous de renseigner votre numéro de téléphone sur un réseau social ? Combien d’applications sont associées à vos comptes sur les réseaux sociaux? Arrêtons de croire que « ce n’est pas bien grave ». Changeons nos habitudes en ligne et les « super nations » virtuelles auront moins de marge de manœuvre. En revanche, si vous êtes trop désabusé et que vous décidez de finir vos jours dans un monastère au Tibet, loin de tout et de tout le monde, pensez à me laisser votre nouvelle adresse en commentaires. Je vous ferai parvenir les nouvelles de mon blog !
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